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Chantier

En 2020 j’ai suivi un chantier associatif basé aux grandes serres de Pantin travaillant principalement le bois. La spécificité de chantier était de présenter des effectifs avec une très forte diversité : qu’il s’agisse d’âge, de nationalités, de cultures, de religions… les équipes œuvrant sur les chantiers reflètent une vision cosmopolite de l’homme. L’objectif étant d’intégrer tous les types de parcours aussi à faible niveau de qualification (voire sans

qualification) que des personnes plus diplômées. En ce qui concerne le public senior cela renvoie à la nécessité de transmettre le savoir-faire, le savoir être et la culture du métier d’une génération fortement représentée qui est en train de partir à la retraite, envers les jeunes qui entrent dans le secteur et dans l’entreprise. 

Mais ce qui m’a le plus surprise sur ce chantier c’est la présence de nombreuses jeunes femmes. Effectivement dans les représentations de tout un chacun, les métiers de chantier apparaissent très inaccessibles aux femmes eu égard à leur caractère de pénibilité, en cause les contraintes physiques importantes de certaines professions. Ces métiers sont vus comme trop manuels, trop physiques, trop salissants, mal payés et surtout réservés aux garçons.

C’est pourquoi j’ai voulu comprendre quelle était la place des femmes aujourd’hui sur ce chantier et notamment celle de Carla 25 ans fraichement diplômée de l’école d’architecture de Versailles. 

Carla est arrivée à faire du chantier par affinité personnelle, elle aime utiliser ses mains, cultiver sa force et y trouve aussi les gens « plus humain ». Il y a 6 ans elle a intégré ADN+ une association de construction de son l’école. Elle était la seule fille alors qu’aujourd’hui

l’association compte plus de filles que de garçons. Les mentalités changent, les filles qui se sentent attirées par le travail manuel ne s’en cachent plus et parallèlement les entreprises sont de plus en plus ouvertes à les engager. La représentation du métier change légèrement aux yeux des femmes et évolue plus positivement en évoquant la noblesse et l’utilité de la tâche, les possibilités de mobilité, de travail en équipe et d’autonomie.

Carla me confie que la manière dont on se sent en tant que femme sur un chantier dépend majoritairement de l’équipe dont on est entourée, du regard qu’on porte sur elle: qu’il soit amusé, dragueur ( insistant ), et dans le meilleur des cas impressionné. Ce serait mentir de dire qu’il n’y a pas de sexisme sur les chantiers. Cependant pour Carla une fois que les autres voient de quoi elle est capable toute forme de moquerie ou de sexisme disparait ou du moins ce n’est plus du tout ressenti. 

Quand je demande à Carla si cela est un handicape que « les hommes soient plus fort que les femmes » Cette dernière me répond qu’elle a déjà vu des femmes sur les chantiers bien plus fortes que les hommes et que c’est une sensation qui apporte une fierté personnelle, et cela amène le respecte ses collègues. Par ailleurs elle pense également avoir d’autres qualités qui restent primordiales dans les chantiers que tous ne

possèdent pas : organisation, détermination, encouragement, bonne humeur, méthode, logique…ce qui cumulé à sa force physique (qui est loin d’être médiocre) elle finis par être un bon élément de l’équipe.

Les femmes qui exercent ces métiers, ont une force de caractère et de personnalité forte pour refuser les schémas traditionnels. Les performances individuelles des femmes sur les chantiers, contribueraient donc à améliorer les performances professionnelles de leurs collègues masculins. Leur présence permettrait de les « tirer vers le haut ». En intégrant des femmes sur les chantiers, on note également une amélioration de la qualité des relations ( un respect mutuel ) et donc du climat de travail. La présence des femmes qui s’engagent dans ce secteur et leur professionnalisme semblent modifie les codes, de sorte que la mixité est perçue comme un facteur d’amélioration de la performance globale. 

De ce fait, l’arrivée des femmes représente une manière d’induire un changement des comportements et d’apprendre à concevoir différemment la réalité, au-delà des habitudes, au-delà des représentations collectives, et d’être à terme, soi-même porteur de changement. La féminisation est donc appréhendée par l’entreprise comme un gage d’amélioration de la performance en développant la capacité à se remettre en cause et à s’adapter à de nouveaux contextes.